24 MARS 2020 – Australie | Northern Territory | 0,16 hab./km2
De la Fleur des Terres Australes, 20 Ans : Ce matin je me réveille à 8h la boule au ventre mais je n’ose ouvrir les yeux qu’à partir de 11h. Quand finalement je décide de quitter le monde des rêves et de les ouvrir, une pluie de notifications alarmistes s’abat sur moi : « vol AUH-CDG annulé », « Ethiad annule tous ses vols internationaux » « 22,230 cas confirmés en France » La réalité ne connait pas les réveils en douceur. S’en suit un café au goût plus amer que d’habitude et une question traînant dans l’atmosphère alourdie « Et maintenant quoi? » Voilà comment une journée que je pensais passer à préparer mon sac pour le retour en France s’est transformée en journée « retour à la réalité » La réalité ne passe pas par quatre chemins quand elle décide finalement de s’exprimer, elle hurle.
La réalité, ma réalité, de fait, la voici: Je vis avec mon copain dans une share house comptant une cinquantaine de personnes, au milieu du désert australien et d’une pandémie mondiale rien que ça. Je passe mes journées à me frayer un chemin au milieu de cette cinquantaine de personnes, le cœur s’emballant à chaque raclent de gorge, à chaque toussotement que je pense percevoir. J’ai impression d’être la seule qui prend la mesure de la situation, la seule à appliquer les gestes barrières recommandés, à me laver les mains jusqu’à l’os. Appelez ça Paranoia, appelez ça réaction démesurée, mais que croire lorsque d’un bout à l’autre du monde le mot « Corona » (et c’est pas une marque de bière réputée…)change de couleur? Ici, il prend la couleur de l’argent, ne signifie pas maladie mais perte d’emplois et changement de plans. Là bas, il signifie pneumonie, hôpitaux surchargés et peuple confiné. Je ne parviens plus à digérer ma panique non partagée, la vision trouble, le cœur déchaîné je pars m’isoler. Une fois calmée, l’arrière goût dans ma bouche est celui de la culpabilité.
Je ne suis pas un cas à risque et je suis Française. Ces deux facteurs font sans doute de moi la personne la plus chanceuse de la cinquantaine de personnes avec qui je vis, et je suis pourtant la seule qui panique.
Un des éléments de cette équation n’est pas juste mais je ne parviens pas à discerner lequel. A suivre…