L’Ocre l’Ebene et le Poulet bicyclette

Aéroport de Marseille Provence, au siècle dernier… Après une course sur la piste qui sembla durer une éternité le grand oiseau pris enfin son envol, les réacteurs à fond, les plastiques de la cabine tremblants, tel un bourdon surchargé, lentement, il rejoignit son altitude de croisière : Direction plein sud, la Haute Volta, Ouagadougou. Ce vieux Douglas Dc8 avait gardé une partie des anciennes couleurs de Capitol Airways, son ancien propriétaire. Oui il volait malgré son âge, sa cabine passagers plus que patinée par le temps, les cendriers crasseux, les accoudoirs souvent branlants : Cet avion, avec les années avait largement fait ses preuves, il avait de la bouteille ! Cela faisait 4 heures environ que nous avions décollé de Marseille, et déjà à travers le hublot, le Sahel déployait son étendue aride : du jaune à perte de vue, avec ces nuances sèches. Je réalisais que dans peu de temps je serai propulsé ailleurs, sans possibilité de retour en arrière. De la curiosité et un peu d’appréhension face à l’inconnu au bout du désert. De la haut j’observais le sol, essayant de percevoir l’ambiance, le décor qui allait m’accompagner tout du long de ce voyage.

Les gens, j’en avais deja un apercu, par la population à bord de cet appareil : une introduction à ce qui m’attendait. Aujourd’hui ce sont des Burkinabé (ex Haute Volta) en majorité sur ce vol. Pour beaucoup c’était la première fois qu’ils rentraient au pays :  Le plein d’émotion dans la cabine… 10, 20, parfois 30 ans d’attente avant ce retour aux origines. Nous étions loin des vols confortables (et hors de prix) d’Air Afrique, UTA. A cette époque des pionniers inventaient  les vols bon marchés, Charters, qui ouvrirent la voie aujourd’hui au tourisme de masse et ensuite aux transport LowCost.

Le commandant de bord annonça déja le début de la descente vers l’aéroport de Ouagadougou, en cette fin d’après-midi : le vol me paru court, l’Afrique me sembla proche… et le pourtant le dépaysement si grand, si fort.

A part deux ou trois turbopropulseurs et un petit fokker 28 de Air Volta sur le tarmac, l’aéroport ne me semblait pas très encombré.

Ouverture des portes, début de descente sur le tarmac : Une chape de plomb m’enveloppe et me surprend. Déjà des gouttes de sueur naissent sous ma chemise. A l’entrée de l’aérogare je rejoins la queue du passage de douane. Chaleur lourde, de gros insectes virevoltent autour de moi… et en lieu et place de la climatisation, un ou deux ventilateurs fainéants brassent l’air ambiant.

De loin j’observe mon douanier, représentant de l’autorité. Il a chaud, est sérieux, formel. Voila mon tour, je lui tend mon passeport, il me regarde avec l’oeil de Colombo qui cherche des indices… S’attarde sur mon passeport, fait deux aller retour du regard entre son bureau et mon visage, qui maintenant est chaud, la sueur perlant sur mon visage…

  • Dites moi vous n’avez pas de moustache?

Pris de surprise, à la fois par cette question saugrenue de prim abord, mais aussi par son sérieux et en même temps, son accent africain à couper au couteau… je m’affole deux secondes pris entre la peur de sourire (sûr il se serait vexé) et désarçonné par la remarque vertigineuse. Je rassembla toute ma force de conviction, posa mon index et mon majeur sous mon nez et lui annonçait que j’avais effectivement coupé ma moustache…

  • regardez c’est bien moi !

Il marqua un temps de réflexion, posa une ou deux autres questions et finalement apposa son cachet libérateur sur mon passeport.

A la sortie de l’aérogare on m’indique un gros 4X4 Toyota, où nous nous regroupons. En montant dans le véhicule je remarque des traces de terre ocre un peu partout, une odeur de Gasoil mélangée à je ne sais quoi. Sur un bruit de suspensions sèches et dures, nous nous mettons en mouvement. Une route déglinguée, une circulation hétéroclite, ces commerçants qui s’éclairent avec une malheureuse lampe, voir une bougie, proposant leurs produits ou modestes repas. Les enfants jouaient dans la rue, les maigres poulets, “faméliques” (à moins que ce soit génétique !) couraient dans tous les sens : Les fameux Poulets Bicyclette avec sa variante, le poulet télévisé, car à manger devant la télévision, chez soi.
A noter que ce pays possède aussi sa fête du poulet à Poa : Indéniablement le poulet bicyclette est plus résistant, supporte mieux les maladies, et est bien plus savoureux que le poulet des blancs !

Quel dépaysement, ces gens, cette ambiance, ces animaux dans une basse cour ouverte sur la ville ! Une ambiance tirée droit du moyen âge, enfin je crois… Sans oublier ce je ne sais quoi de convivialité et de chaleur humaine qui se dégage de ces gens.

Le diesel du 4X4 vrombissait et fendait la nuit, évitant acrobatiquement cette population, surgissant de l’obscurité : Prochaine étape raid en Pays Dogon..

Ces premières sensations ne me quitterons plus… Même 30 ans plus tard… I was in Africa.

Livre :

 

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